sexta-feira

À travers la fenêtre

Kantor sentado na plateia, dizia
através de uma janela poeirenta
esse lugar essa hora esse gesto
onde a memória se torna r e a l
e o passado o tempo artístico
entre o visível e o invisível
o exterior e o interior
a prova e a percepção
foram alguns dos elementos presentes no espectáculo Debaixo da Cidade, este foi um dos textos de apoio e pode ser encontrado num ramal do sítio Théâtre Contemporain.


À travers la fenêtre

L'année 1971 ou 72. Au bord de la mer. Dans un petit hameau. Presque un village. Une rue unique. De pauvres petites masures sans étage. Et une, peut être la plus pauvre l'école. C'était l'été et les vacances. L'école était vide et abandonnée. Elle n'avait qu'une classe. On pouvait l'observer à travers les vitres empoussiérées de deux misérables fenêtres basses situées, juste au dessus du trottoir. Cela donnait l'impression que l'école s'était enfoncée au dessous du niveau de la rue. Je collais mon visage à la vitre. Très longtemps je regardais dans les profondeurs sombres et troubles de ma mémoire.

(…)

Aujourd'hui, je sais que, là-bas près de cette fenêtre eût lieu quelque chose d'important. Je fis une certaine découverte. D'une manière inhabituellement aiguë, je me concrétisais

l 'existence

du souvenir

Cette constatation n'est pas du tout, comme on pourrait le supposer, le résultat d'une exaltation et d'exagérations. Le souvenir dans notre monde rationnel n'avait pas bonne presse et ne comptait absolument pas dans les froids règlements de compte avec la réalité. Tout à coup je découvrais qu'il est un élément capable de détruire et de créer, qu'il est à l'origine de la création. A l'origine de l'art.

Tout brutalement est devenu clair, comme si d'innombrables portes s'étaient ouvertes sur des espaces et des paysages lointains et infinis.

(…)

Le souvenir vit au même niveau que les événements réels de notre vie quotidienne. Il ne les fuit point, bien au contraire, ils lui sont nécessaires dans ses plans stratégiques et ses tendances sur cette voie du r e c u l, inapparente sur la carte d'une journée banale, généralement masqué par

l'imparable attaque en préparation.

Et encore une découverte et une compréhension:Le souvenir remet en question la compétence du visuel, il met sérieusement en doute son pouvoir usurpateur

Afin de terminer ce chapitre, il fallait mener la révision et la réhabilitation de la notion du passé.

Je l'ai fait. Je proclamais, voyageant à travers le monde, le triomphe du passé, osant croire que c'est le seul temps réel qui compte / dans l'art / car

déjà accompli !

Rapidement arriva cet instant, inoubliable pour moi, de la décision impérieuse

d' e x p r i m e r le souvenir. Il est alors devenu indispensable de connaître le fonctionnement de la mémoire.

Ainsi débuta l'ère décennale de mes deux oeuvres "La Classe Morte" et "Wielopoler.

(…)

-Wielopole" qui devaient confirmer la vérité de ces idées blasphématoires que je proclamais. Ce fut l'ère de ma propre avant-garde.

Avant-garde, souvenir, mémoire, invisible, néant et mort.


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La Mort.

C'est sur elle que s'achève ce regard par la fenêtre, initialement innocent. Car la fenêtre cache beaucoup de troubles secrets. La fenêtre éveille la crainte et le pressentiment de ce qui est "au-delà".

Et cette absence d'enfants, l'impression que les enfants ont déjà vécu leur vie, sont décédés et que ce n'est que par le fait de leur d é c è s, par la mort que cette classe s'emplit de souvenirs, et ce n'est qu'alors que les souvenirs commencent à vivre et acquièrent une secrète force d'âme. Rien n'est alors plus grand, plus puissant...

Dernièrement, après environ 10 années durant lesquelles "La Classe Morte" a parcouru le monde, je pris conscience d'un autre aspect encore de cette fascination

"à travers la f e n ê t r e ".

Le visible comme condition de perception, ce regard "de l'extérieur", cette présomptueuse "tangibilité" matérielle, cette pédante "vérifiabilité" ont provoqué en moi une opposition déterminée et une aspiration à franchir le

seuil du visible, cette condition apodictique et absolue, ce "câble", ce "conduit", le seul pouvant soi-disant assurer le " r e g a r d ".

L'idée de "La Classe Morte" a son origine justement dans cette pudique et

fragmentaire v i s i o n.

Toute la méthode du spectacle a fonctionné sur le principe du regard / qu'est-ce au juste le "regard"? / sur ce qui est masqué par une impénétrable carapace étanche, cette célèbre

f o r m e qui depuis des millénaires s'arroge la prétention d'être le sujet et l'essence de l'oeuvre. C'est un grand manque de tact de refuser de s'arrêter à cet " e x t é r i e u r ",

de tenter de le contourner de façon vexante

d'essayer de regarder autrement

de "l ' i n t é r i e u r",

de regarder furtivement.

Ce n'est pas si facile.

Le prix que l'on paye pour cela est

la rencontre avec la mort.

Tadeusz Kantor